Une équipe qui fait alliance : une collaboration qui inclut le groupe entier

  • 04 août 2020
  • Barbara De Dios

Une équipe qui fait alliance : une collaboration qui inclut le groupe entier

Il y a plusieurs années, alors que j’étais à la veille de devenir avocate, au milieu du processus menant au droit d’exercer, je me préparais à l’une de mes premières rencontres d’accueil d’un client. Je m’attendais à une expérience d’apprentissage exigeante. Avec les œillères d’une future avocate dévouée, j’ai imprimé mes formulaires d’ouverture de dossier, soigneusement organisé chaque document, répété les détails de chaque élément et préparé avec enthousiasme le scénario dont j’attendais la réalisation depuis longtemps : la possibilité de parler directement avec un client, de mettre ma formation à profit et de m’engager réellement dans la gestion des clients et l’établissement de relations avec eux.

Prenant une grande respiration, je me suis dirigée vers la réception, prête à tendre la main à un vrai client, et pas seulement à un scénario tiré d’un manuel. Mes attentes se sont brutalement heurtées à la réalité quand j’ai plutôt été confrontée à un méprisant : « Quand l’avocat arrivera, pouvez-vous me le faire savoir? Et apportez-moi un café, je vous prie. »

Surprise, j’ai cligné des yeux.

Le biais inconscient venait de faire irruption dans ma vie professionnelle. Je ne m’étais même pas encore présentée ; comment mon apparence avait-elle indiqué que mon rôle se bornait à celui d’une messagère et d’une rapporteuse de café? Comment étais-je passée du rôle de future avocate à un état de défensive en quelques secondes à peine? Et, ce qui est plus important encore pour les avocates racialisées comme moi, la défensive et l’autojustification allaient-elles devenir une partie inhérente de mon travail?

La porte d’entrée s’est ouverte et un collègue est entré — un grand avocat de sexe masculin qui n’avait absolument aucun lien avec ce dossier. L’attitude du client a changé. Il s’est tourné vers l’avocat, dans l’expectative.

J’ai compris que pour lui, c’était là ce à quoi un avocat devait ressembler. Et mon monologue intérieur se poursuivait : je n’avais pas l’apparence à laquelle il s’attendait d’un avocat. Une fois les choses clarifiées, douterait-il de mes compétences malgré tous mes efforts et ma solide formation? Tout mon travail et toute ma connaissance de ce dossier avaient-ils la moindre importance? Comment allais-je concilier une obligation éthique de fournir un service de la plus grande qualité à ce client qui, par ses propres préjugés, s’était fait une opinion sur moi en tant qu’avocate avant même que je ne le conduise dans mon bureau?

C’est à ce moment précis que mes œillères sont brusquement tombées. Il a fallu un moment comme celui-là pour me rappeler que les réalités mêmes de la partialité, inconsciente ou légitimée, peuvent persister, peu importe mes lectures, mes connaissances ou ma préparation. Et cette partialité peut prendre la forme d’un client — une personne ou une organisation envers laquelle j’ai une obligation déontologique.

J’ai également compris que les préjugés n’existeraient pas seulement au début de ma carrière. En fait, de tels scénarios peuvent me suivre à de nombreuses étapes de ma carrière. Qu’elle me touche directement ou non, la partialité peut toujours exister dans la façon dont une organisation fait des affaires. Elle peut se manifester, entre autres, dans les politiques d’entreprise, lorsqu’il s’agit de déterminer l’adéquation à certains rôles et postes, lorsqu’il s’agit de décider d’accueillir une personne dans le club exclusif des cadres supérieurs, lorsqu’il s’agit de déterminer les hausses de salaire.

L’exclusion ou la partialité est une expérience personnelle qui vous change. Ce sont des expériences dont le souvenir reste vif. L’histoire ci-dessus s’est produite il y a plusieurs années et pourtant, je me souviens de cette matinée aussi clairement que je me rappelle mon déjeuner de ce matin.

Une équipe qui fait alliance

Tandis que notre climat politique continue d’évoluer au milieu des conversations actuelles sur l’alliance, les privilèges et les perspectives, et que nos organisations tentent consciemment d’éduquer et de faciliter un changement pratique dans les politiques et la gouvernance, il faut maintenant déterminer comment procéder et que faire dès maintenant.

La résistance aux biais inconscients et légitimés dans nos organisations nécessite que nous réfléchissions à deux choses :

  1. La partialité peut persister, même dans les circonstances les plus banales du quotidien. Qui est invité à la partie de poker ? Qui est responsable du ménage du bureau après un événement? Qui imprime vos documents? Pourquoi demandez-vous à une stagiaire de vous apporter un café, et pas à votre stagiaire masculin? Pourquoi les avocats sont-ils payés plus que les avocates dans vos organisations?
  2. Dans ce monde professionnel complexe, les préjugés se manifestent dans les grandes comme dans les petites circonstances, et l’alliance est l’œuvre de plus d’une personne. L’alliance est un effort d’équipe qui exige que différentes personnes s’efforcent d’éduquer, de résister et d’autonomiser.

Ce qui est peut-être plus important encore, alors que nous envisageons des mesures pratiques pour faciliter la prise de conscience au sein de nos organisations, les alliances peuvent être propagées en incarnant, en assumant ou en collaborant à certains rôles dans l’organisation : tous ces gestes facilitent le changement relatif aux partis pris légitimés, que ceux-ci soient mandatés par la gouvernance ou socialement ancrés.

Ces rôles comprennent les suivants :

  • Le soutien : Que vous soyez dans un bureau de direction ou dans les tranchées comme novice, appuyer vos collègues par des mots d’encouragement n’est pas seulement bienvenu : c’est un geste dont ils se souviendront. Peu après l’incident dont j’ai parlé, j’ai commencé à comprendre que malgré de telles expériences négatives, l’encouragement et le soutien de mes collègues et de mes supérieurs faisaient une différence : j’avais l’encouragement et l’appui pour continuer à apprendre et à trouver les meilleures manières de gérer des circonstances comme celles-là, ainsi que de l’encouragement public, fort, et du soutien quant à mes capacités et ma croissance professionnelle.

    Les préjugés peuvent se manifester dans les moments les plus critiques, comme l’examen d’une promotion ou la gestion d’une réunion importante avec un client, et dans les situations sociales, où des préjugés socialement ancrés s’infiltrent dans le cadre professionnel. Agir en soutien afin d’appuyer d’autres avocats ou collègues lorsque les préjugés peuvent gagner, c’est faire le travail d’un allié, en offrir le soutien et la solidarité.
  • Le meneur : L’alliance est une perspective professionnelle que les individus peuvent adopter à tous les échelons. Cependant, au sein de la direction et de la haute direction, cette alliance est cruciale. Les politiques écrites de nos organisations ne signifient pas grand-chose si elles ne sont pas mises en pratique par ceux qui prennent les décisions, entre autres sur les pratiques et les politiques d’embauche, les promotions, les salaires et les responsabilités. 

    L’alliance est une perspective fluide. C’est une perspective et une façon d’encourager qui l’emporte sur les rangs de l’ancienneté. L’alliance dans les politiques organisationnelles doit être soutenue et peut-être mise en pratique par des meneurs qui reconnaissent le potentiel et les avantages de l’alliance — des avantages pratiques, comme la rétention des employés, aux avantages de plus haut niveau, comme la clarification et la conservation des valeurs organisationnelles.
  • Le mentor : Je peux dire avec certitude que des scénarios comme celui qui précède ne sont pas uniques à mon cas. L’alliance peut donc prendre la forme d’un mentor. Au sein de nos organisations, le mentor éduque, guide, fournit des exemples et propose des idées et des avantages pour la mise à jour des cadres et des politiques de gouvernance. En dehors de l’organisation, le mentor est une oreille attentive, et une voix qui offre soutien et conseils concernant les prochaines étapes, qui fournit son point de vue sur la façon dont il a géré le passé et prévoit gérer l’avenir.

Un effort d’équipe

Faciliter le changement de la gouvernance, de la structure, des politiques et même des pratiques sociales de notre organisation afin de supprimer les préjugés inconscients et légitimés nécessite le travail de plusieurs personnes, comme le soutien, le meneur et le mentor, entre autres, dont les objectifs sont parallèles.

Que vous jouiez un rôle de conseiller exécutif dans votre organisation, de conseiller juridique ayant des liens avec votre service des ressources humaines ou de conseiller juridique en entreprise ayant une capacité de conseil en matière de gouvernance ou d’élaboration de politiques, assumer une perspective d’allié tout en utilisant vos capacités de leadership pour faciliter l’inclusion, découvrir les préjugés et légitimer les politiques mises à jour demeure un effort collectif.

Je comprends que c’est un privilège d’écrire cet article. Je me sers de cette position privilégiée pour faire office d’alliée dans notre profession et notre collectivité afin de sensibiliser les gens, de remettre en question les préjugés, et de collaborer avec ceux et celles qui pensent de même.

Barbara De Dios est conseillère juridique à la Canadian Dental Services Corporation, une organisation qui fait l’acquisition d’entreprises de l’industrie dentaire à travers le pays. On peut la joindre à l’adresse bdedios@cdscorp.ca.