Créer de la joie par l’innovation (des contrats)

  • 13 décembre 2019
  • Ian Sinclair

Créer de la joie par l’innovation (des contrats)

« Nous ignorons où se trouvent les contrats et n’avons jamais essayé de tous les localiser », m’a répondu le dirigeant d’une grande société canadienne de services financiers, après m’avoir avoué : « Notre seul objectif, c’est que nous voudrons peut-être l’information ... un jour. »

Après mon exposé sur un nouveau logiciel d’analyse des contrats basé sur l’IA, je l’interrogeais sur le stockage et l’organisation des contrats et, surtout, sur les besoins qu’il cherchait à combler avec cet outil innovateur.

L’innovation m’enthousiasme dans mon travail quotidien. Je m’amuse avec la technologie. Je personnalise mes feuilles de calcul. Je m’agenouille devant l’autel de l’optimisation interne. Mes collègues apprécient mes efforts ... ou sont trop aimables. À l’interne, l’innovation est indulgente. Parfois moins lorsqu’elle est orientée client.

L’automne dernier, peu après mon arrivée chez Ricoh Canada, j’ai évalué Heretik, un logiciel d’analyse de contrats en développement. Ainsi commençait ma première expérience dans l’exportation de l’innovation aux clients.

Ma tâche comportait trois volets : évaluer les capacités d’Heretik, formuler des recommandations et évaluer un partenariat. J’avais une certaine expérience, ayant déjà utilisé un logiciel populaire d’analyse de contrats pour la vérification diligente des F&A. Pour tester Heretik, j’ai lancé un exercice fictif d’abstraction de bail. J’ai noté les forces et limites des tableaux à codage de couleur. Je me souviens avec embarras de l’importance que j’accordais à l’aspect esthétique de mon rapport – bien qu’il fût vraiment agréable aux yeux.

Heretik était prometteur. Il était conçu à partir de Relativity, la fameuse plateforme logicielle pour la preuve électronique au Canada. L’équipe d’Heretik bénéficie d’une analytique robuste et d’autres trucs. J’ai soumis ma liste d’améliorations souhaitées à son fabricant, qui a été très réceptif. Avec ces améliorations, Ricoh Canada était prête à s’associer et à élargir son offre de services pour inclure l’analyse des contrats.

« Le logiciel pourra identifier les clauses des contrats et faciliter leur comparaison. Les données financières et d’autres contenus pourront être saisis automatiquement. Mais il ne pourra pas résumer les clauses. » Pas de baguette magique, malheureusement.

La vérification diligente des F&A était une cible facile. La clientèle institutionnelle était, selon moi, un marché plus fiable. Celle qui a beaucoup de contrats qui n’ont fait l’objet que d’une analyse ponctuelle, normalement pour répondre à une préoccupation réglementaire, une décision judiciaire, une transaction ou d’autres circonstances. Les services juridiques ont besoin d’un moyen plus efficace de gérer et d’utiliser la marée montante d’informations.

Un logiciel d’analyse des contrats permet aussi des incursions proactives et plus exploratoires dans des questions de gestion de l’information. Par exemple, les organisations multi-divisions ou étalées, comme dans le secteur des services financiers, pourraient plus facilement harmoniser leurs contrats.

Le gros du travail a commencé avant même que Ricoh Canada n’annonce cet ajout à notre gamme de services. J’ai établi nos processus internes en correspondance avec la diversité de notre travail, de la vérification de diligence jusqu’à l’examen individuel. Des flux de travail ont été créés pour la supervision technique, l’examen géré et tous les niveaux intermédiaires. Des cas d’utilisation ont été conçus. Armée de ces outils, l’équipe de développement commerciale a sondé les clients potentiels. Des réunions ont été organisées. Puis des suivis. Et d’autres suivis.

« Qu’est-ce qui ne va pas? », ai-je demandé à mon collègue près des ascenseurs, hors de portée de voix du conseiller juridique principal d’un assureur, qui venait de refuser de divulguer, même vaguement, la fonctionnalité recherchée ou les tâches qu’il m’avait pourtant invitée à lui expliquer.

L’heure de la prise de conscience avait sonné. L’intérêt était évident, mais les résultats n’étaient pas au rendez-vous, sauf pour des besoins ponctuels. J’ai compris que notre offre de services avait besoin de développement, ainsi que notre connaissance de l’entreprise cliente. J’avais sous-estimé l’ampleur du siloing. Le stockage et la systématisation à l’échelle de l’organisation étaient presque inexistants, et le logiciel d’analyse interne était un phénomène très récent.

De plus, ma connaissance du litige et du transactionnel résidait dans les cas d’utilisation élaborés. Je n’ai pas réussi à démontrer ce qui était possible au point de vue juridique et corporatif.

Nous avons surmonté ce premier obstacle plus vite que prévu. Heretik a été livré avec Active Navigation, un logiciel d’analyse de fichiers permettant l’identification des contrats à l’échelle de l’organisation.

Le deuxième obstacle – créer des cas d’utilisation innovante distincts de l’activité transactionnelle – sera bientôt éliminé. Je sonde les clients potentiels et je reconstitue leurs efforts pour réaliser leurs vœux pieux. Malheureusement, le dilemme de la poule et de l’œuf se pose toujours : le client potentiel veut connaître les avantages du logiciel sans rien dire de ses utilisations réelles, alors qu’il faut impérativement les connaître.

« Vos contrats ont été analysés et sont prêts pour l’inspection. Certains devront être classés manuellement par notre équipe spécialisée, soit parce qu’ils ont été numérisés pour cause de mauvaise qualité, soit parce que leur formatage est complexe. » Certes, chaque client pose des défis particuliers.

Il y a toujours des obstacles. Par exemple, la numérisation pour cause d’imperfection et les formatages complexes demeurent une limite des logiciels d’analyse des contrats. Il n’y a aucune solution informatique à attendre. Du moins, à l’externe.

Avec le temps, ces problèmes seront surmontés. Les formats seront simplifiés et les contrats évolueront dans un environnement numérique. Même si c’est de plus en plus nécessaire, concevoir et mettre en œuvre un système interne efficace reste un défi de taille. Chaque organisation doit déterminer quel modèle répond le mieux à ses besoins.

Entre-temps, quand des complications surviennent, nous identifions les limites et nous y remédions. Par exemple, pour faciliter la signature et l’exclusivité numériques des contrats, nous avons ajouté DocuSign, un logiciel de signature électronique, à notre gamme de services.

Dans mon passé techno, je m’attends toujours à ce que surgissent des défis – et la frustration qui vient avec. Quand je réfléchis à la dernière année, je constate que j’appréhende désormais l’innovation d’une manière moins étroite. C’est un effet secondaire bienvenu.

Les services juridiques qui réussissent à mettre l’innovation en œuvre constituent une équipe composée de juristes, de gestionnaires de projets et de technologues. Ils réfléchissent d’avance à leurs besoins et à l’évolution de la technologie, en gardant l’esprit ouvert.

L’innovation est un processus et non un acte ponctuel. Notre cycle d’innovation à Ricoh Canada m’a fait passer du développement interne de logiciels et de processus à la provocation d’un changement à l’externe, avec un succès mitigé. Dans le domaine des services, l’innovation implique une interdépendance. Le client cherche souvent le problème autant que la solution. Et le fournisseur de services se fie sur le client pour qu’il adopte de nouvelles mesures ou conçoive les meilleurs moyens de déploiement.

Ian Sinclair est gestionnaire des services d’examen, Service juridique chez Ricoh Canada. Communiquez avec lui à isinclair@ricohediscovery.com.