Gérer des clients difficiles

  • 01 mars 2018
  • Jim Middlemiss

Gérer des clients difficiles

Chaque conseiller juridique interne a une histoire à raconter sur un client difficile qu'il a dû gérer à un moment ou à un autre de sa carrière.

C’est le cas de Maura Lendon, vice-présidente, chef du contentieux et secrétaire générale chez Primero Mining Corp. à Toronto. Dans une entreprise publique au sein de laquelle elle travaillait, c'était à elle de déterminer la période durant laquelle les initiés ne pouvaient négocier les actions d’une entreprise. Un cadre supérieur a contesté sa décision. Elle est restée ferme, mais il a persisté et le débat a continué.

Finalement, elle lui a fait comprendre que le dossier refléterait sa position, et que s'il y avait une enquête, l’autorité des valeurs mobilières pourrait en prendre connaissance. Il a reculé. « Parfois, vous ne pouvez pas contrôler ce que quelqu'un fait, mais vous pouvez mettre en place un environnement qui fait réfléchir à deux fois avant d’agir », explique-t-elle.

On trouve des clients exigeants dans tous les milieux de travail. C’est la nature humaine : tous les clients ont des préjugés, des angoisses ou des faiblesses. Certains sont attentifs aux détails; beaucoup ne le sont pas. Certains travaillent bien sous pression; d'autres moins. Certains voient une date butoir comme un Rubicon qu’on ne peut franchir, alors que d'autres la perçoivent comme un simple point de départ.

Tout cela peut compliquer la vie d'un conseiller juridique interne. Comment traiter avec des clients difficiles?

Il n'y a pas de « solution miracle », croit Ted Kelterborn, avocat général de CI Investments à Toronto. « Le défi universel semble être de faire en sorte que les gens souhaitent s'engager avec le juridique, plutôt que de l’éviter. » il s'agit de changer la mentalité du « nous contre eux » et la perception erronée que le département juridique est un « policier » plutôt qu'un partenaire d’affaires.

Me Lendon ajoute qu'un bon conseiller interne peut souvent anticiper les problèmes qui pourraient survenir avec un client difficile. « Une grande part revient aux communications. Tout ce que vous pouvez faire pour comprendre d'où vient votre client peut vraiment vous aider à combler le fossé. »

On trouve des clients difficiles de tous les styles, mais il y a quelques éléments communs qui reviennent plus souvent. À la suite d'entrevues avec divers conseillers juridiques internes, nous avons identifié huit types, ainsi que les défis qu'ils présentent et des suggestions sur la manière de gérer vos relations avec eux.

1. Le client retardataire

Le client retardataire ne consulte pas le service juridique avant qu'il ne soit trop tard. il a tendance à
être le client le plus difficile.

Plusieurs raisons expliquent son comportement dilatoire : mauvaise gestion de son temps, manque de connaissances ou de compréhension de la problématique en jeu ou tout simplement la peur, note Charlene Ripley, vice-présidente principale et chef du contentieux chez Goldcorp inc. à Vancouver. « Les gens n'aiment pas les conflits », dit-elle, alors ils vont souvent remettre le service juridique à plus tard.

Vous ne pourrez pas corriger sa mauvaise gestion du temps, mais vous pouvez contourner le problème. Prenez l'initiative : utilisez votre réseau pour rester au courant de ce qui se passe dans son unité ou démontrez votre valeur ajoutée en aidant à atteindre certains objectifs.

2. Le client qui sait tout

C'est le client qui rejette les conseils de l'équipe juridique parce qu’il pense avoir une meilleure solution. Parfois, il peut être lui-même formé en droit, mais pas toujours. Fred Headon, avocat général adjoint, droit du travail et de l'emploi chez Air Canada à Montréal, dit qu'il y a des « avantages et des inconvénients » avec ces clients qui croient tout savoir. « Vous pouvez filer à travers certaines notions qui prennent beaucoup de temps à expliquer à d’autres. » Cependant, leurs connaissances peuvent ne pas toujours être à jour. Soyez franc et précis, conseille Me Ripley, et n’hésitez pas à leur dire si leurs idées ne les mènent nulle part. 

3. Le client indécis

Le client indécis vous dit une chose, mais veut souvent dire autre chose. il est aussi prompt à changer d’idée quand il sent que ses supérieurs n'aiment pas comment les choses progressent.  « Parfois, le client peut regarder dans sa boule de cristal et se rendre compte que le plan ne fonctionnera pas avec tout le monde et passer au plan B, tandis que l'avocat continue de défendre le plan A », illustre Me Headon.

Son conseil est d’être prêt à changer de cap et à être plus flexible lorsqu'on travaille avec un indécis. De plus, questionnez-le pour comprendre ce qu'il veut vraiment, en vous assurant de recueillir le plus de renseignements possible et soyez prêt à développer des alternatives.

4. L’esprit libre

Votre département peut produire les meilleurs mémos juridiques possibles, mais il y a de bonnes chances que l'esprit libre ne les lise pas. Les esprits libres ont beaucoup d'idées et d'énergie, mais ne remplissent pas toujours leurs tâches. Ils doivent être encadrés et vous devez les aider à se concentrer.

Me Headon dit que son équipe « ne publie plus de lettres d'opinion », notant que les clients « n'en ont pas besoin » et souvent, ne les lisent pas. Le mémo va plutôt dans le dossier et l'équipe se tourne vers PowerPoint pour présenter ses conclusions. Cela nécessite un « engagement en personne, où vous pouvez obtenir des commentaires du client et voir son langage corporel », dit-il.

5. Le pressé

Le client pressé cherche à atteindre le sommet par tous les moyens nécessaires, y compris en poussant l’enveloppe légale. Ils peuvent parfois être des clients délinquants, ce qui, selon votre culture d'entreprise, peut être particulièrement problématique.

Si la culture aussi est délinquante, alors Me Lendon vous conseille de partir. « Dans une telle culture, vous ne
pouvez pas influencer [la direction] en tant qu'avocat. »

Mais si une telle attitude est isolée et se limite à une personne ou une unité d'affaires, Me Ripley dit que vous devez être prudent et rester à l’affût. Soyez prêt à faire remonter les choses dans la chaîne hiérarchique. « Vous devez vous assurer que la haute direction comprend totalement le risque. »

6. Le criard

Le client criard est grossier et traite mal les gens. Me Lendon dit que la personne est parfois simplement frustrée et que vous devrez peut-être tenter de trouver l’origine de cette frustration. « C'est peut-être un cas où un membre de votre équipe ne performe pas assez sans que vous soyez au courant », dit-elle. Cela pourrait aussi être lié à un problème de communication. Le client doit être persuadé que « s'ils ont un problème, vous n'allez pas l’empirer, mais l’améliorer », ajoute-t-elle.

Si le problème est fréquent, les conseillers juridiques doivent être prêts à parler à cette personne de sa conduite ou à demander l'aide des ressources humaines. Me Lendon se souvient d'une rencontre entre un client criard et un membre du personnel. « D'une manière calme et ferme », elle lui a indiqué qu’une telle conduite n'était pas tolérée sur le lieu de travail, ce qui a « diffusé » la situation. Finalement, le client a été mis à la porte, ce qui suggère qu’ils ont souvent une date de péremption…

7. L’accusateur

Le client accusateur est celui qui n’hésite pas à blâmer les autres pour leurs décisions. Selon Me Kelterborn, ce sont les clients les plus frustrants à conseiller. S'accuser mutuellement n'ajoute aucune valeur à l'organisation
quand un problème survient, note-t-il, « peu importe qui l'a créé ».

Si vous sentez que vous avez affaire à un client accusateur, la meilleure chose à faire est de tout documenter et de faire un suivi avec des courriels de confirmation, conseille l’avocat.

8. Le vantard

Le vantard peut aller jusqu’à revendiquer le succès de chaque réussite au détriment des autres.

Le conseil de Harry Andersen, vice-président senior des affaires externes et chef des affaires juridiques chez Pembina Pipeline Corporation, est simple: « faites votre travail » et ne vous en faites pas avec eux. Son expérience est que « les cadres supérieurs et la direction des entreprises voient clair dans leur jeu » et les vantards sont finalement mis de côté.

Me Kelterborn note que peu importe les faiblesses d'un client, le rôle du conseiller juridique interne est de gérer et d'atténuer les risques; et vous devez rester concentré sur ce rôle. Rappelez-vous, dit-il, « il n'y a pas de transaction sans risque et si vous avez un service juridique qui insiste pour essayer de réduire le risque à zéro, vous allez paralyser les choses ». Et dans ce cas, aucun client n’est servi.