Réflexions d’un ambassadeur international en santé mentale

  • 13 juin 2019
  • Craig Kramer

Réflexions d’un ambassadeur international en santé mentale

Deux poissons nagent ensemble et croisent un poisson plus jeune. Le jeune poisson dit : « Bonjour. L’eau est bonne aujourd’hui, n’est-ce pas? » Les deux poissons plus âgés continuent de nager. Plus tard, l’un se tourne vers l’autre et lui demande : « C’est quoi ça, de l’eau? »

L’histoire des poissons, que j’ai empruntée à David Foster Wallace, illustre que les réalités les plus importantes sont souvent les plus difficiles à discerner et que le regard d’une nouvelle génération est parfois nécessaire pour les remarquer. C’est le cas de la santé mentale.

Comme les plus vieux poissons de l’histoire, il m’a fallu une personne plus jeune, ma fille Katharine, pour apprendre sur cette question. Il y a quelques années, j’ai reçu un appel d’elle la veille du jour de l’An. J’ai répondu : « Salut, Katharine, bonne année! Comment ça va? »

Une voix d’homme m’a demandé si j’étais le père de Katharine. Quand j’ai dit que oui, il m’a dit : « Je vous appelle du service de police de Boston. Votre fille a tenté de se suicider. Nous l’amenons à l’hôpital. Vous devriez vous y rendre immédiatement. »

Ma fille, qui avait été l’une des meilleures joueuses de soccer junior en Amérique, avait vu sa vie être interrompue par un trouble alimentaire et après 10 ans, elle avait perdu espoir que les choses s’améliorent un jour.

Notre quête pour des services de santé mentale adéquats a été longue et ardue. Nous avons personnellement constaté que les soins primaires et spécialisés en santé mentale ne sont pas intégrés et nous avons vu à quel point il est fréquent que le patient passe à travers les mailles du filet. Nous avons appris que la famille doit devenir le système de santé pour son membre, et vu à quel point ce fardeau peut être écrasant, épuisant les gens à tel point qu’ils sont incapables de se lever le matin pour aller travailler.

Je ne parle pas seulement des troubles alimentaires : il y a la dépression, l’anxiété, la dépendance, le stress post-traumatique, la dépression post-partum, le trouble obsessif compulsif, la bipolarité, la schizophrénie et bien d’autres encore. Je suis aux États-Unis, mais le problème est partout le même.

Où est le lien avec « l’eau » ? D’abord, la maladie mentale est bien plus commune qu’on ne le réalise. Une étude publiée en 2016 par l’American Society of Addiction Medicine a conclu, par exemple, que 28 % des avocats souffrent de dépression (contre 7 % des adultes globalement) et 19 % d’anxiété (contre 18 % des adultes globalement).

C’est ainsi que je suis devenu le premier ambassadeur en santé mentale chez Johnson & Johnson en février 2016. Depuis ce temps, mes collègues et moi avons fait beaucoup de chemin vers la création d’une culture d’inclusion et d’acceptation — au travail, à la maison et au-delà.

Nous avons, par exemple, créé le programme des ambassadeurs en santé J&J en avril 2017. La première année, nous avons recruté plus de 1000 employés dans 32 pays et avons formé plus de 350 personnes en premiers soins en santé mentale. Nous avons cofondé la Coalition mondiale sur la santé mentale chez les jeunes, qui vise à amplifier les nombreuses voix émergentes de par le monde quant à la santé mentale des jeunes. Nous avons aussi cofondé One Mind at Work, une coalition internationale d’employeurs des secteurs public et privé qui s’engagent à promouvoir la santé mentale au travail.

Le monde que nous tentons de créer est un monde dans lequel tout le monde pourra faire ce que j’ai fait à la veille du dernier jour de l’An : j’ai fait un câlin à ma fille, qui a survécu à sa tentative de suicide et prospère maintenant.

La bonne nouvelle, c’est qu’en ce qui concerne la santé mentale, nous avons des options de traitement qui fonctionnent pour bien des gens, et la recherche en produit d’autres qui sont prometteuses. Les plus jeunes poissons grandissent aussi dans des écoles, des universités et des collectivités en ligne où ces questions, cette « eau », font l’objet de discussions plus ouvertes. Cette génération provoque un changement. Il revient maintenant aux plus vieux poissons de les rejoindre en appuyant un avenir plus inclusif et porteur de réussite pour tous.

Craig Kramer est ambassadeur en santé mentale et président de la campagne internationale pour la santé mentale. Il travaille aux affaires externes en neurosciences pour Janssen R&D, une société de Johnson & Johnson. Son équipe cherche à transformer les soins en santé mentale partout au monde en améliorant la sensibilisation, en réduisant le stigmate, en faisant la promotion de la recherche, en améliorant l’accès et en garantissant de meilleurs résultats pour les patients. Avant cela, Craig a occupé différents postes en affaires générales internationales et en affaires publiques pour J&J et travaillé comme avocat au Congrès des États-Unis, dans un cabinet juridique et dans une organisation internationale de défense des droits de la personne.